L’une des réflexions les plus déchirantes qui me soient venues lors de la préparation du Projet Virtuosa d’Infusion Baroque est que, sij’étais née à l’époqueoù la musique de cet album a étécomposée, il ne m’aurait pas étépermis de jouer de la flûte. On m’auraitprobablementencouragée à apprendre un instrument à clavier et, si je me fie à l’uniqueannéeoùj’aisuivi des cours de piano, celaauraitmené à unecarrière bien décevante! Combien de brillantes vocations de flûtistesfémininesont-ellesété perdues au cours des siècles? J’aiune profonde admiration pour ces femmes qui ontpersévéré et continué à jouer et à composer pour la flûteenfaisant fi des interdits de la société. Je suis égalementinspirée par toutes les manières, autres que les concerts publics, que les femmes onttrouvées de faire sentirleurprésence musicale : l’enseignement, les concerts privés, l’embauche de consœurs et la préservation de collections de partitions musicales. Je suis reconnaissante à toutesces femmes courageuses et je m’efforced’incorporer ne serait-cequ’une fraction de leurpersévérance et de leur passion dans ma propre carrière.
-Alexa Raine-Wright
L’exploration et la découverte des virtuosas du passé ontété pour moi un merveilleux mélange de frustration et d’inspiration. Frustration face au manque de recherches, au mépris du potentiel de ces femmes et à l’absence de perspectives pour elles, mais inspiration aussi, par leurcapacité à briller, à apprendre, à exceller, à se faire publier, à partirentournée et à se produireen concert à une époque oùcelaétait vu commeimpudique et peuféminin, maisaussi à réussir à se faire un nom, mêmes’ilétaitvoué à l’oubli. Mêmesi, dans mon for intérieur, je déplore les œuvres et les prestations qui n’ont jamais vu le jour, je suis heureusequ’il y ait encore tellement de choses à découvrir. Bien entendu, je me demande bien ce que ressentaientces femmes lorsqu’ellescréaient des œuvres et pratiquaientleur art. Mais pour moi, aujourd’hui, ces mots de la compositrice Linda Catlin Smith ontunerésonancetouteparticulière : « Je ne me suis jamais considéréecommeuneinterprète fille (…) unecoureuse fille (…) une danseuse fille (…). J’existais, tout simplement. » Je suis doncreconnaissante à toutesces femmes, du passé comme du présent, qui continuent à « exister » et à créer, mêmequand la sociététente de les convaincrequ’ellesdevraients’enabstenir.
-Andrea Stewart
Quand je reviens sur monparcoursartistique des dernièresannées, je me rends compte que j’aiété plus d’unefoisattirée par les créatrices des siècles passésen tant que modèles de vie. En écrivantces mots, je me dis que cette disposition n’a pas toujoursétéparfaitementconsciente. Ce n’estqu’avecmon travail et ma réflexion sur le projetVirtuosa que j’aicommencé à me rendrecompte de l’importance de cet aspect de ma disposition. Il ne serait pas exagéréd’affirmer que des pensées comme « je me demande comment Clara (Schumann) s’asseyait à son piano » oucomme « je me demande comment Clara pouvaitjongler avec les exigences d’unecarrière de pianiste de concert tout encultivantune vie intime » m’ontsouventeffleurée. L’histoire de la vie de ces femmes nous offre des exemplesinspirants et valorisants de manières de se construireune vie artistiqueépanouissante et riche de sens.
-Gili Loftus
« Néanmoins, elles’estobstinée. » On se souviendrapeut-être de cette phrase immortalisée sur Internet en 2017. L’origine de ces mots estuneautrehistoire, maisj’y ai souventpensélorsque je m’informais sur ces femmes de l’Histoire qui composent le Projet Virtuosa. Cesmusiciennes du passé n’étaient pas considéréescomme des professionnelles, endépit de leurs études et du fait que leurs aptitudes surpassaientcelles de bon nombre de leurscollèguesmasculins, frères oumaris. Les critiques portaient de manière disproportionnée sur l’habillement de la femme interprète, surtout sur le fait que la tenue semblaitêtre source de distraction ou bien qu’elleétaitpeuattrayante (ou trop aguichante?), oumêmeinappropriée. On interdisait aux femmes de se produireen public, sauf au risque d’un châtimentpouvantallerjusqu’à la mort. Cela étaitvrai dans les siècles passés et l’est encore aujourd’hui. Il estunevérité triste et immuable que les femmes doiventluttercontrece que la sociétéestime convenable pour elles, maiscelatémoigneaussi de la résiliencehumaine. Cet album estdédié à toutes les femmes, du passé, du présent et de l’avenir, qui osents’obstiner.
-SallyneeAmawat
Tout au long de ceprojet, j’en ai beaucoup appris sur la vie et la carrière de cesmusiciennes du passé. Par opposition à ce qui estparfoisune attitude plus impersonnelle face à la litanie de compositeursmasculins qui emplissent les livres d’histoire de la musique conventionnels, je suis frappée par le désirirrépressibled’étofferl’histoire de ces femmes, en y ajoutant plus de vie et de couleur. Oùont-ellesgrandi? Qui étaientleursprofesseurs? Les a-t-on encouragées à poursuivreleurs ambitions musicales ou les en a-t-on dissuadées? Dans quels salons, couvents, palais, salles de concert ont-ellesjoué? Ont-ellescontinué à se produire et à composer après leurmariage? Après avoireu des enfants? Quelles répercussionsleurcarrièred’interprète a-t-elleeues sur leur vie personnelle? Qu’ont-elles fait pour concilierl’idée que se faisait la société de la féminité avec leurs aspirations professionnelles et artistiques? Ces questions nous interpellent sans doute parcequ’elles nous sontsifamilières. Nous continuons, en tant que femmes modernes, à chercherl’équilibre entre les exigences du travail et celles de la famille, entre les exigences de la domesticité et celles des ambitions professionnelles, entre les exigences de la vie de tous les jours et celles de la satisfaction artistique. Je ressensuneaffinitétouteparticulière pour ces femmes du passé enjouantleur musique. J’arrivedavantage à m’imaginer à leur place, dans leur corps et dans leur tête, quandellesfaisaient de la musique. Cette sorte de complicité à travers les âges a étéune source d’inspiration pour toutesnosactivitésliées au projet Virtuosa, dont le présentdisque.